Vers quelle agriculture me tourner ?

Aborder l’agriculture aujourd’hui, c’est s’immerger dans un micmac de termes. Pourquoi, pour sortir un poireau de terre ou fabriquer un steak faut-il que l’agriculteur soit catégorisé ?Plutôt que de rester étonnés comme la poule devant un couteau, voyons ce qui distingue la raisonnée, l’intégrée, la durable, la conventionnelle de la biologique. Oui, car en réalité, il n’existe que deux types d’agricultures : la conventionnelle et la biologique. Les trois autres – durable, intégrée, raisonnée – ne sont plus précisément, que des pis-aller de la conventionnelle.

Agriculture biologique

Définition extraite du site du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation  : « L’agriculture biologique constitue un mode de production qui trouve son originalité dans le recours à des pratiques culturales et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels. Ainsi, elle exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limite l’emploi d’intrants ».

La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) qui regroupe les producteurs biologiques français donne, elle, cette définition : « Système global de production agricole (végétaux et animaux) qui privilégie les pratiques de prévention et de gestion dans le respect des équilibres naturels plutôt que le recours à des interventions et facteurs de production d’origine extérieure issus de la chimie de synthèse. »
On notera l’emploi du mot « originalité » dans la définition issue du site du Ministère de l’Agriculture et on pourrait penser qu’il est employé ironiquement comme si, d’une manière condescendante, on voulait donner une image insignifiante et éphémère à ce mouvement : « Les agriculteurs biologiques ? De doux rêveurs qui se croient encore en mai 68 et qui vendent leur fromage de chèvre sur le marché en Ardèche. Quand ils arrivent à se lever ! C’est pas eux qui vont révolutionner le monde ! Ben tiens ! »
Alors que la définition du Ministère, différencie les produits chimiques de synthèse et OGM des intrants qui sont ici « limités », la seconde, donnée par la FNAB, est plus catégorique, puisqu’elle se démarque de tout ce qui proviendrait de l’extérieur qui est de fait, « chimique et de synthèse ». En cela cette définition, plus proche de la réalité de terrain de l’agriculteur biologique, peut faire abstraction du mot intrant.

Agriculture conventionnelle ou production conventionnelle

Celle-là, on la connaît bien. C’est celle qui nous nourrit depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Selon le Centre d’activités régionales pour la Consommation et la Production Durables (organisation de coopération internationale issue du Programme des Nations Unies pour l’Environnement), « la production conventionnelle, est orientée vers l’obtention du rendement maximum en le moins de temps possible, et caractérisée par l’application de mécanisation et de phytosanitaires ».
Et de conclure que ses inconvénients sont l’épuisement des sols, des coûts élevés des produits, qui en plus, sont toxiques, pour ceux qui les appliquent et les consomment et pour la nappe phréatique.
Cette définition du CPRAC ne fait, cependant, nulle mention de la toxicité pour l’environnement en général (faune et flore).

Agriculture intégrée

Sur ce même site, on parle de production intégrée, « version contrôlée de la culture conventionnelle pour aller vers une agriculture plus respectueuse, en réduisant l’utilisation d’intrants chimiques et artificiels en les combinant à d’autres, plus respectueux comme les méthodes biologiques. »
Elle intègre donc l’agriculture raisonnée, démarche toute française.

Agriculture raisonnée

L’agriculture raisonnée a pris en compte « la protection de l’environnement, la santé et le bien-être animal », selon ses initiateurs, l’association FARRE (Forum des Agriculteurs Responsables Respectueux de l’Environnement), regroupement de producteurs conventionnels désireux de faire face à la montée en puissance de l’agriculture biologique et de la mise en avant de ses méthodes propres plébiscitées par des consommateurs plus exigeants en matière d’éthique.
Sous couvert d’un pseudo engagement écologique, l’idée de ce concept d’agriculture raisonnée était, de la part de ses protagonistes de redorer leur image à moindres frais auprès du grand public tout en continuant à épandre des pesticides. Car la visée était « de conserver l’optimisation des résultats économiques et de maitriser les quantités d’intrants utilisées » (Wikipédia).
Autrement dit, aucune remise en question de pratiques inhérentes à l’adage aussi répandu que les milliards de tonnes de produits chimiques déversés sur la terre dans un but productiviste : « On a toujours fait comme ça ! ».
Ce concept, avec cahier des charges et aval des pouvoirs publics a vu le jour en 2002 en France. En 2013, il a été abrogé. L’agriculture raisonnée n’existe donc plus. Aujourd’hui, l’association de producteurs (FARRE) qui l’avait mise en avant, parle d’agriculture durable.

Agriculture durable

Sur le site Ifieldgood.org, ex-Fondation Hulot, nous trouvons la définition suivante : « L’agriculture durable invite à promouvoir et à pratiquer une agriculture économiquement viable, saine pour l’environnement et socialement équitable ». Elle se construit par les agriculteurs eux-mêmes (donc absence de cahier des charges) et l’un de ses trois objectifs est de, toujours selon le site « promouvoir des systèmes de production autonomes et économes en intrants ».
Eh ben, nous voilà bien ! Comme on dit, on ne change pas une équipe qui gagne.
Les intrants (sous-entendu les produits phytosanitaires, sous-entendu les produits chimiques de synthèse polluants et pas du tout biodégradables) ont encore un radieux avenir en perspective puisqu’il n’est question que de les économiser, là où dans l’agriculture raisonnée, on les maîtrisait. Ce qui en soit, est kif-kif bourricot.
Mais il est vrai que durable, c’est plus mieux bien que raisonné. Ca sonne mieux, c’est un peu plus dans l’air du temps. On sent l’intention de bien faire et surtout de s’affranchir de contraintes environnementales par une pirouette sémantique. Par exemple on pourrait imaginer ce témoignage : « Moi, quand j’épands des pesticides dans mon champs de pommes de terre destinées à faire de la purée pour bébés, je le fais durablement, c’est-à-dire que j’en mets un peu plus que la dose recommandée, comme ça, ça dure plus longtemps. Avant, j’étais que raisonné ».
Et sinon, quelqu’un aurait-il une idée précise de ce qu’ils entendent par « système de production autonome » ? Qui fonctionne tout seul avec des robots en guise d’ouvriers agricoles ? Notre agriculteur-témoin pourrait s’exprimer ainsi : « Moi, quand je me rends chez mon banquier pour négocier mon surendettement, , grâce aux nouvelles technologies, je gère entièrement à distance ma ferme de 18000 vaches depuis mon SUV 2018… »

Conclusion

En résumé, il y a bien deux sortes de pratiques agricoles généralisées, en France et dans le monde :

  • L’agriculture biologique, respectueuse, dans la mesure du possible, de la faune et de la flore et, qui n’est que la réinitialisation de l’agriculture traditionnelle telle qu’elle est encore pratiquée chez certaines populations et telle qu’elle l’était, chez nous, avant la révolution industrielle,
  • L’agriculture conventionnelle qui comporte une sous-branche, l’agriculture intégrée ou durable (ex-agriculture raisonnée), qui elle, est un faux-semblant d’une agriculture responsable. Elle intègre cependant, qu’évoluer, n’a pas pour unique sens d’aller vers les nouvelles technologies.

Maintenant, que ce soient pois, que ce soient fèves, à vous de choisir ce que vous décidez de mettre dans vos assiettes !

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